Trésor ; Alecia McKenzie

Trésor

558

_Trésor

Alecia McKenzie

Envolume Éditions

Roman

182 pages

558

__« Téméraire, butée, rebelle. Dulcinea Evers, jeune peintre coqueluche de New York, vient de s’éteindre. Mais qui était-elle vraiment ? Au lendemain de ses funérailles jamaïcaines, c’est sa meilleure amie Cheryl qui est chargée de rapporter la moité de ses cendres aux Etats-Unis. Détient-elle la clef de son histoire ? Tour à tour, ceux qui ont traversé la vie de Dulci s’adressent à elle pour dessiner en creux le portrait d’une femme flamboyante… et résolument libre. »

__Quand Aude, l’assistante d’édition de Envolume, m’a parlé de ce Trésor, il y a maintenant quelque mois, j’étais déjà charmée. Charmée par le résumé. Charmée par l’idée que je m’en faisais. Ajoutons à cela une lecture commune avec mes amours de copinautes Carnet Parisien et La rousse bouquine, et la découverte de ce roman s’annonçait parfaite.
Qu’en est-il réellement? 

__« C’était un art dans lequel tu excellais, Dulci – l’art d’être présente sans l’être vraiment. »
p.58

 Nous avons entre nos doigts un court roman, 182 pages. Trésor, c’est l’histoire d’un surnom. C’est l’histoire d’une personne, Dulcinea Evers ou Cinea Verse (pour son nom d’artiste) mais bien plus encore. Roman choral venu tout droit des Caraïbes, où les chapitres se suivent et donnent la parole – et les sentiments -, à des personnages qui l’ont tous côtoyés – de près ou de loin. À travers leurs regards, à travers leurs émotions, nous faisons la connaissance de Dulci ;  ce qu’a été sa vie, ce qu’elle a été, ce qu’elle a fait, ce qui la construite, et ceux qui l’ont entourés.

_« J’ai toujours envié ton talent pour l’indifférence, Dulci, cette capacité à laisser les ragots et la malchance couler sur toi comme la pluie sur les feuilles de bananiers. »
p.19

__Comme le roman épistolaire, j’aime le roman choral. J’aime, à travers les voix des uns et des autres, apprendre à connaître un personnage, et quel personnage que Dulci. Je le disais, c’est un roman court, mais pourtant si riche et intense. En effet, grâce aux mots de ses proches ou connaissances – son père, sa meilleure amie, son mari -, nous découvrons cette femme magnifiquement libre, et absolument vivante malgré sa disparition.

__« Derrière ces lignes et ces couleurs, je cherche à discerner la clé de ton pouvoir. Autour de toi, les gens oubliaient toute fierté, s’oubliaient eux-mêmes, devenaient tes esclaves. Voilà où résidait ton véritable talent. D’où te venait-il? J’aurais été prêt à démissionner et à me faire bon à rien et clochard, simplement pour pouvoir te regarder peindre, voir les couches de peinture se superposer, les petites taches de lumière que tu créais, semblait-il, au hasard des coups de pinceau.  »
p.78

__J’ai tout aimé dans ce roman, même si j’ai un ou deux bémols, évidemment. J’ai aimé, vous l’aurez compris, le choix de construction. J’ai aimé l’intelligence de nous glisser une histoire parallèle – celle citée en quatrième, où Cheryl se rend à New-York pour y rapporter la moitié des cendres. J’ai aimé que l’auteur, Alecia McKenzie, au delà d’un simple portrait de femme, nous dresse le portrait d’une vie ; la vie familiale, la vie amoureuse, la vie amicale, la vie professionnelle, avec tout ce que ça engendre. Les secrets, les non-dits, les silences, les questionnements, les jalousies, les regrets, l’amour, l’idéalisation, qui parfois nous accompagnent. J’aime la complexité de ces sujets, comme dit Carnet Parisien : « Il y a de la complexité en chacun d’entre nous, tout le monde a son passé et ses histoires… et au fond, qui sommes-nous pour juger les autres, lorsqu’on ne sait rien d’eux ? » C’est tellement juste. J’aime m’être fait une idée sur telle ou telle personne, et ensuite, ayant sa parole, sa vision, changer de position ou disons mieux admettre, mieux comprendre. J’aime ces sentiments là. J’aime que tout ne soit pas linéaire, tout blanc, ou tout noir. J’aime ce réalisme là, le relief. J’aime comment l’auteur à choisi d’aborder le deuil ; cette finesse, sans pathos, avec tendresse, lueur même. J’aime cette littérature là. J’aime aussi le choix fait en nous donnant les quelques réponses à nos questions mais toujours avec parcimonie. Mais cette parcimonie sera peut-être aussi la définition de mon bémol. 

__« J’aurais pu venir à New York m’occuper de toi, malgré ma peur de me retrouver là-haut, dans un avion où les êtres humains n’ont pas vraiment leur place. J’aurais fait le trajet en bateau, à la nage, ou par n’importe quel autre moyen, si seulement tu avais bien voulu me parler. »
p.160

__Pourquoi bémol? Parce que Dulcinea est un personnage fort, on le ressent, mais hélas, trop « absente » (si je puis dire). Nous pouvons dire que je suis une vieille frustrée, oui, disons-le! Peut-être m’aurait-il fallu un roman plus long, mais je voulais en savoir plus, beaucoup plus. En effet, c’est un personnage pour qui j’ai eu énormément d’empathie, et envers qui je me suis attachée facilement. Je ne voulais pas quitter le livre, puisque je ne la connaissais pas suffisamment – mais c’est bon signe, n’est-ce pas? Je voulais qu’on me parle encore plus d’Art, de son oeuvre, de ses couleurs, puisqu’il y a aussi dans cet ouvrage des moments superbes sur le dessin ou la peinture, oui, j’ai adoré m’immiscer dans ce petit monde là, sans oublier l’interview avec Susie la responsable de la rubrique art et culture qui m’a presque donné envie de me remettre à mes toiles… mais j’en voulais plus. Je voulais qu’on me parle davantage de ce qu’a été sa vie, de ce qui la construite, de ses fêlures, de ses forces, de ses rêves, ou même de ses désillusions. Je voulais mieux comprendre, ou tout comprendre, c’est selon. Il me manquait sa voix. Peut-être devrais-je suggérer à l’auteur de faire en sorte de retrouver un journal intime – ou quelque chose dans le genre, et de nous l’écrire? Allez, lançons l’idée !

__« Comme le disait Ovide, l’art réside dans sa capacité à se faire oublier »
p.153

En conclusion, c’est un roman réussi, croyez-moi. Une jolie découverte, et moins j’en dirai, mieux ce sera. La plume de l’auteur est délicate, facile (sens positif), et quand on attaque la lecture, on ne l’abandonne plus. Les personnages sont forts. Le fond est juste. La forme est jolie. Je le disais à C.Parisien, il porte à merveille son nom. Trésor a reçu le prix du « Meilleur livre pour la région Caraïbes » par le Commonwealth, François Sirot dit « qu’il émane de ces pages une couleur et une énergie qui nous transportent », et vraiment c’est le cas. Je ne peux que le conseiller. Vous conseiller de découvrir ces 182 pages, de vous laisser voyager de New-York à la Jamaïque, de rencontrer Dulci et ses proches, de vous laisser guider par la lumière de notre personnage, par sa peinture, par sa présence, et surtout par la complexité de ce que peut être la vie, parfois ou souvent. 

★★★★

En librairie dès aujourd’hui.

_ Merci encore une fois aux éditions Envolume pour ce livre, et leur confiance.
Aude, particulièrement. Toujours.

Trésor Alecia McKenzie Envolume

30 réflexions sur “Trésor ; Alecia McKenzie

  1. rp1989 dit :

    J’adore les histoires dont un personnage est décrit par d’autres, ça me plaît beaucoup. Et c’est toujours marrant de voir les différents points de vues.
    Bisous à toi!
    Je t’ai proposé une lecture commune dans un article à l’occasion si ça te dit.

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  2. flyingelectra dit :

    Superbe chronique !! mon cadeau de ce soir ! merciiii ! Une amie vient de partir s’installe en Guadeloupe et voudrait lire plus de romans originaires de cette région, donc là tu m’as donné une idée (je pourrais le lire avant de lui envoyer !). En tout cas, j’adore la manière dont tu construis tes chroniques – ton bémol est un bémol charmant et je comprends quand on s’attache à un personnage et qu’on voudrait en savoir plus, oui c’est rageant !!!! merci merci !

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    • Quaidesproses dit :

      T’es trop mignonne ! Merci.
      Oui, tu devrais essayer de le lire avant de l’envoyer (moi aussi je fais ça :D) , je pense qu’il pourrait te plaire sous certains aspects, puis il est court, alors.
      Oh que oui c’est rageant ; on referme le livre et on se dit « mais non… pas tout de suite!  » :(
      Merci de me lire, toujours.

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  3. Carnet Parisien dit :

    Oh tu m’as citée <3 Merci de m'avoir accompagnée dans cette lecture, ta chronique est superbe ! Je comprends ce que tu veux dire, c'est vrai que c'est un roman qui parle de Dulci mais qu'elle est presque absente, parfois secondaire. Et je suis d'accord avec les commentaires, les photos sont magnifiques <3

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  4. lilithbliss dit :

    Une très belle chronique qui donne bien envie de découvrir cet ouvrage ! De moi-même, je ne suis pas certaine que je me serais tournée vers ce livre, mais là, ma curiosité est titillée. Les extraits que tu as ajoutés laissent entrevoir une écriture très poétique, et ça me plaît bien !

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